jeudi 8 décembre 2011

L'homme qui aimait les cailles

Ça arrive à tout le monde. On entre dans un commerce, on arrive au comptoir à peu près en même temps qu'un autre client. L'employé qui est sensé nous servir nous regarde l'air inquiet, redoutant de faire un faux pas (ledit faux pas étant de servir en premier le client arrivé en dernier). S'ensuit alors une brève discussion histoire de déterminer qui était là en premier. « Allez-y. Non, vous étiez là avant moi. Vraiment? Oui oui. Bon, si vous le dites. Merci. » Cela s'appelle de la courtoisie. Or, la fée de la courtoisie n'est pas passée au-dessus de tous les berceaux. J'en ai eu la preuve hier à la boucherie.

Nous étions deux à patienter devant le comptoir (moi étant la première arrivée) lorsque l'un des bouchers a demandé qui était la personne suivante. Alors que j'allais dire « moi », l'homme qui attendait devant les volailles s'est empressé de passer sa commande, sachant très bien que ce n'était pas lui, le suivant. Avec son accent de gars qui a étudié en thé-â-tre, il a demandé ses 8 cailles au boucher qui semblait avoir vu la manoeuvre. Le gentil boucher a répondu qu'il n'avait plus de cailles. Hooooon... « Ça va aller à samedi. » Mon adversaire a eu l'air scandalisé. C'est là que j'ai cru bon intervenir.
Moi : « Vous voulez absolument des cailles? »
Adversaire : « Oui, on reçoit la Reine d'Angleterre des amis. On voulait faire des cailles farcies au foie gras. »
Moi : « Ouin, c'est plate. »
Adversaire : « Oui, c'est vraiment nul! »
Moi : « Ils vendent des perruches à l'animalerie Paul. C'est plus petit que des cailles mais vous avez juste à en prévoir plus par personne. »
Adversaire : « ... »

Bon, je n'ai pas vraiment dit ça.

Moi : « Vous voulez absolument des cailles? »
Adversaire : « Oui, on reçoit Herby Moreau des amis. On voulait faire des cailles farcies au foie gras. »
Moi : « Pourquoi vous prenez pas du poulet à place? Au fond, des cailles, c'est comme du poulet pour les lutins. »
Adversaire : « ... »
Moi : « Est-ce que c'est des lutins vos amis? »

Je n'ai pas vraiment dit ça non plus. En fait, je n'ai rien dit du tout. Je me suis contentée de fulminer intérieurement tandis que l'autre était en train de capoter sur le cas de son souper chic pour ses amis de petite taille. En fait, j'aime croire que mon boucher lui a menti. Qu'il avait une grosse cargaison de cailles dans son backstore mais qu'il a décidé de servir une leçon à Chose qui voulait devenir acteur et qui a fini assureur.

Qui sait, quand il aura mangé assez de perruches, peut-être qu'il sera un peu plus courtois.

2 commentaires:

  1. Ça aurait pu être pire. À Québec, il faut repousser les passants à coup de fouets pour ne pas se faire piquer sa place. Je pense que c'est la culture, comme pour votre monsieur qui a l'air d'en avoir beaucoup.

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  2. Le propre du petit Québécois moyen en manque d'estime de soi et d'attention quand il était petit.

    J'ai adoré les conversations !

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